Robert Pattinson : de vampire luisant à acteur phénoménal
Alors que sort en salle le jouissif Good Time, des frères Safdie, faisons un retour sur la carrière étonnante d'un acteur qui ne l'est pas moins.
Ses affiches ont orné les murs de milliers de chambres d’ados. Son interprétation d’un vampire amoureux dans la saga Twilight l’a transformé en pin-up parfumée à la saveur du moment. Pourtant, le Britannique Robert Pattinson s’impose de plus en plus comme un acteur qui compte. Ce qui, il y a 10 ans, aurait encore fait sourire, avouons-le.
Analysons cette évolution pour mieux la comprendre, puis finissons par la présence de cet acteur dans le formidable et nerveux Good Time, en salle dès le vendredi 25 août.
Harry Potter et la Coupe de feu (Mike Newell, 2005)
Il s’appelle Cedric Diggory. Il est blond. Il est sur un balai. Il meurt. Le cœur des jeunes filles en fleurs est brisé.
Twilight (2008, 2009, 2010, 2011 et 2012)
Il est blanc comme un linge, comme l’est tout vampire qui se respecte. Il court vite. Il scintille dans les prés. Que dire de plus?
De l’eau pour les éléphants (Francis Lawrence, 2011)
Aux côtés de Reese Witherspoon et de Christoph Waltz, il joue un jeune homme épris de cirque et trouvant sa place dans une troupe ambulante. Mais toujours sans se départir de son air de mannequin trop occupé à être beau pour être intéressé par ce qui se passe autour de lui.
Cosmopolis (David Cronenberg, 2012)
Est-ce la rencontre avec le singulier cinéaste canadien? Une révélation d’ordre mystique? On ne le saura jamais. Mais la mue commence assurément avec ce film, adapté d’un roman du réputé inadaptable Don DeLillo. Dans un New York paralysé par les embouteillages (qu’il traverse tout de même au fond de sa limousine), il joue un homme d’affaires paranoïaque – et incarnant en tous points le capitalisme en train de voler en mille morceaux. Enfin, le jeune acteur comprend que sa froideur peut être chargée d’autre chose que d’indifférence. Il est magnétique, terrorisant, captivant.
The Rover (David Michôd, 2014, à voir sur ICI Tou.tv Extra)
Dans le désert australien, Pattinson s’initie aux rôles de voyou. Mais dans une version homme-enfant, régi par ses pulsions, et semblant complètement dépassé par le monde apocalyptique qui l’entoure. Le film est brutal, violent, et l’acteur, entièrement débarrassé de ses oripeaux de sex-symbol, révèle une sauvagerie et une sensibilité à fleur de peau impressionnantes.
Maps to the Stars (David Cronenberg, 2014)
Il est de retour (et on le comprend) chez le Canadien, qui, cette fois ne l’assoit plus au fond, mais au volant d’une limousine dont il est le chauffeur, rêvant comme tout le monde à la gloire et à la célébrité. Brillant et discret, mais d’un charisme indéniable tout en étant animé d’une violence qui surgit comme claquent les fouets, Pattinson prouve qu’il a l’étoffe de ceux qu’il côtoie dans cette brillante et violente satire du merveilleux microcosme hollywoodien, c’est-à-dire John Cusack, Mia Wasikowska et Julianne Moore.
The Lost City of Z (James Gray, 2016)
Une immense barbe lui mange le visage; il a les joues rougeaudes et la peau comme grêlée : bref, il est méconnaissable. Dans le petit rôle d’Henry Costin, assistant de l’aventurier Percy Fawcett dans sa recherche d’une cité perdue au fin fond de l’Amazonie, il prouve que peu importe le rôle, peu importe son importance dans le récit, il suffit de peu pour que son talent soit désormais visible à l’œil nu. Fini le glamour : bienvenue dans l’âge des rôles qui comptent.
Good Time (Josh et Benny Safdie, 2017)
L’histoire est aussi belle que le résultat : un polar formidablement nocturne, stylé et énergique. C’est Pattinson lui-même qui, impressionné par le pourtant relativement confidentiel Heaven Knows What des deux frères new-yorkais, a un jour appelé ces derniers pour leur demander s’ils avaient envie de travailler avec lui. Quelques mois plus tard, dans un rôle écrit pour lui de petit voyou ultradébrouillard décidé à protéger son frère déficient, il est extraordinaire. Vif, animal et sauvage, avec l’oreille percée et le cheveu à la fois gras et en bataille, il se révèle encore plus brillant et intense qu’avant. Son regard, entre pure nonchalance et possession hypnotique, épouse dans chacun de ses gestes l’énergie « scorsesienne » de cette nuit d’enfer. Jusqu’à la prochaine fois… (Cette année, on le verra dans un western, puis, en 2018, du côté des cinéastes français les plus pointus du moment, soit Olivier Assayas et Claire Denis).
La bande-annonce de Good Time, des frères Safdie, en salle vendredi 25 août (source : YouTube)