Clémence Poésy : « J'aime me balader entre les genres »

Avec « Tenet », le film événement de l'été, signé Christopher Nolan, l'actrice française poursuit sa carrière internationale. Conversation avec une artiste et une femme épanouie.
Clara Géliot
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Comment êtes-vous arrivée au casting d'un film de Christopher Nolan ?
Clémence Poésy - Il y a quelques années, j'avais eu l'occasion de discuter brièvement avec lui lors d'un dîner au Festival de Cannes. J'ai donc été agréablement surprise lorsque mon agent américain m'a informée, plusieurs mois après, que Christopher Nolan voulait tester mon jeu sur une scène de Batman. Après lui avoir envoyé une vidéo, j'ai été convoquée pour un casting à Los Angeles. Entre-temps, j'étais tombée enceinte de mon deuxième enfant, mais il ne s'en est pas offusqué puisque, dans la foulée, il m'a annoncé que je ferais partie du casting de Tenet, un film d'espionnage doublé d'un voyage dans le temps, avec également John David Washington, Robert Pattinson, Kenneth Branagh…

Pourquoi vous a-t-il testée sur Batman et pas sur une scène de son nouveau scénario ? Clémence Poésy - C'est un procédé qui se fait souvent, notamment pour des projets aussi secrets que ceux de Christopher Nolan. Mais j'ai compris plus tard que ce personnage de Batman avait les mêmes traits de caractère que celui que j'aurais à jouer dans Tenet.

Qui est cette femme que vous incarnez ?
Clémence Poésy -
Malheureusement, je ne peux absolument rien dire, ni de mon personnage ni des péripéties de ce thriller qui sillonne l'univers crépusculaire de l'espionnage international et s'apparente à un renversement temporel. Nolan a cette particularité de ne rien dévoiler avant la sortie d'un film de façon à ce que le spectateur soit toujours surpris.

Comment s'est passé le tournage ?
​​​​​​​Clémence Poésy -
Je ne disposais que du texte des scènes que j'avais à jouer. C'était une première pour moi, mais cela ne m'a pas déstabilisée. Ce côté mystérieux m'a même servi, puisque mon personnage n'en savait pas plus que moi. Il y avait quelque chose de ludique dans cette aventure. Chaque tournage nécessite une forme d'abandon et, lorsque vous êtes entre les mains d'un cinéaste comme Nolan, vous ne pouvez qu'avoir confiance.

Quel homme est-il sur un plateau ?
​​​​​​​Clémence Poésy -
Il est charmant et, en bon British, boit du thé toute la journée ! En tant que metteur en scène, il insuffe une ambiance sereine sur le tournage. Comme il est fidèle à la même équipe depuis toujours, ses techniciens se connaissent tous, savent s'écouter et leur envie commune de mener à bien le projet donne une vraie effcacité au travail. Les journées sont longues, les pauses rares, mais l'on avance, car on sait que le capitaine de ce gros paquebot maîtrise les éléments et sait précisément où il nous emmène. Par ailleurs, comme avec Tarantino, les portables sont exclus du plateau. Cela permet de garder une zone un peu protégée, où les acteurs ne se dispersent pas et où l'équipe garde une énergie commune.

Avez-vous retrouvé Robert Pattinson, votre partenaire dans Harry Potter et la coupe de feu ?
​​​​​​​Clémence Poésy - N'ayant eu à partager des scènes qu'avec l'acteur principal, John David Washington, je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de retrouver Rob ni Michael Caine, avec qui j'avais partagé l'affche de Mr. Morgan's Last Love, une comédie inédite en France. En outre, le tournage a été réalisé dans nombreux pays et ma partie se passait surtout en Estonie.

Quel effet cela fait-il de voir Harry Potter passer les générations ?
​​​​​​​Clémence Poésy - C'est très touchant. L'intérêt que les enfants y portent prouve que ça ne vieillit pas trop mal. C'est presque devenu un rite initiatique : après la phase des dinosaures vient celle d'Harry Potter. Je constate d'ailleurs qu'à partir d'un certain âge je deviens beaucoup plus intéressante aux yeux des gosses ! [Rires.]

Est-ce le cas de vos deux enfants ?
​​​​​​​Clémence Poésy -
Non, ils sont encore à l'âge des dinosaures. Mais, pour eux, je serai toujours plus une maman que cette jeune Fleur Delacour ! [Rires.]

Rêviez-vous de la carrière internationale que vous menez ?
​​​​​​​Clémence Poésy - Ayant tendance à tourner en rond lorsque je suis sédentaire, j'ai rapide-ment eu envie de voyager, mais je n'avais pas de plan de carrière. Le tournage d'Harry Potter m'a amenée à rester en Angleterre pendant un an et comme j'ai immédiatement aimé la façon dont les Britanniques appréhendent le métier, j'ai perfectionné mon anglais, rejoint d'autres projets et j'ai fini par prendre un appartement à Londres. Pourtant, je n'ai jamais vraiment quitté la France et, depuis que mon fils aîné va à l'école, nous y sommes plus souvent. En fait, nous partageons notre temps entre Paris, Londres et l'Europe de l'Est, où de nombreux films se tournent désormais.

Comment choisissez-vous vos projets ?
​​​​​​​Clémence Poésy - Ils peuvent être motivés par l'envie d'explorer un personnage, de travailler avec un cinéaste ou de raconter une histoire en particulier. J'ai toujours aimé me balader entre les genres, les pays et les formats, les films d'auteurs ou les blockbusters. Or, depuis que je suis maman, je constate que les choix s'imposent plus facilement : je souhaite ne faire que des films qu'ils pourront regarder sans rougir. Les protéger de tout ce qui est lié à mon métier est ma priorité.

Est-ce plus confortable de tourner un film français ?
​​​​​​​Clémence Poésy - Je ne peux pas l'affrmer, car je n'aborde pas les projets selon leur « nationalité » ni en fonction de ma langue maternelle. Evidemment, quand je joue une pièce de théâtre en Angleterre, je sais que j'aurai un travail supplémentaire à fournir mais, sur un plateau, ma relation avec une équipe ou un metteur en scène anglophone ne dépend pas de la langue.

Vous serez à l'automne au générique d'En thérapie
​​​​​​​Clémence Poésy -
On a tourné juste avant le confinement l'adaptation de la série américaine In Treatment, dont Olivier Nakache et Eric Toledano sont les hommes-orchestres. J'y incarne une patiente en thérapie de couple avec le prodigieux Pio Marmaï.

On vous verra aussi dans Resistance et le Milieu de l'horizon
​​​​​​​Clémence Poésy -
Resistance, de Jonathan Jakubowicz, devrait sortir en novembre. Il retrace le destin exceptionnel du mime Marceau, qui, lorsqu'il était jeune comédien, a sauvé de nombreux enfants juifs des nazis en leur faisant traverser les Alpes à pied dans des uniformes de scouts. Quant au Milieu de l'horizon, de Delphine Lehericey, c'est un récit initiatique qui raconte l'été d'un adolescent lorsque sa mère, incarnée par Laetitia Casta, tombe amoureuse d'une autre femme, que j'interprète.

Que faites-vous en ce moment ?
​​​​​​​Clémence Poésy -
Je viens de reprendre le tournage interrompu du film de Laetitia Masson, une sorte de fable sur le dérèglement climatique. Mais les projets suivants sont plus incertains, alors je m'attelle à l'écriture de plusieurs adaptations de romans anglais dans le but de les mettre en scène. J'ai déjà réalisé trois courts-métrages qui ont provoqué des rencontres ou des envies que je tente de mener à bien. J'aime beaucoup ce format court et je pense m'y réessayer cet automne avant de passer au long. Les commandes et les exercices de style m'enrichissent, me permettent d'essayer plein de choses et j'ai l'impression de faire mes classes. Une chose est certaine : regarder les acteurs jouer et les accompagner me procure un immense bonheur.

Aimez-vous que le public vous regarde grandir ?
​​​​​​​Clémence Poésy - En repensant à toutes ces années, je réalise surtout que c'est un luxe et un privilège d'avoir pu continuer à faire ce métier. Mon cheminement n'est pas forcément très clair car, à mes débuts, je ne savais pas où je voulais aller et j'ai eu besoin de me placer en touriste pour observer. C'est une chance que l'on m'ait laissé commettre des erreurs. Aujourd'hui, je me réjouis de pouvoir encore essayer des choses et de m'épanouir dans différents univers. Mais les années passent et je ne suis pas pressée d'arriver au jour où un enfant me dira que je ressemble à Fleur Delacour, mais en vieille ! [Rires.]

Tenet, de Christopher Nolan. Sortie le 12 août.

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le 12/07/2020